dimanche 31 janvier 2010

LSDO - chapitre 5, verset 1

Chapitre 5



Musée National de Tokyo, lundi 11 avril. 0 h 07.

- Vous connaissez cette personne ? demanda l’agent Toyoda incrédule.
- C’est Ronnie Thorynque, député océanien au Parlement Fédéral. Il a disparu sans laisser de traces il y a une dizaine de jours. Nous avions été chargés de l’enquête, puis l’ASF s’est approprié le dossier.

Dans la petite salle sombre, personne n’en croyait ses yeux. Un individu, visiblement seul, avait déjoué les systèmes de sécurité les plus perfectionnés pour voler des objets d’une valeur inestimable à des milliers de kilomètres de chez lui. Et cet individu était un député ! Pour Wolf, tout était à la fois plus clair et plus sombre.

- Dan, il y a vraiment quelque chose qui cloche dans cette histoire.
- Ah ça tu l’as dit ! Un député qui pète les plombs et vole un trésor national, c’est pas banal !
- Mais pourquoi lui ? Il n’a pas de mobile apparent. Ça n’a pas de sens !
- Un coup médiatique ? suggéra Grapper.
- Présentement, c’est le meilleur moyen de décrédibiliser son mouvement. Ça ne tient pas debout.
- Il a peut-être simplement craqué. Tu as entendu comme moi ce qu’ont dit les gens du night-club. Il n’avait vraiment pas l’air dans son assiette, le soir de sa disparition.
- Peut-être, mais on n’a rien trouvé chez lui qui laisse à penser qu’il allait commettre un tel acte. Sa conduite est inexplicable.
- Je crois qu’on est un peu fatigués, coupa finalement Grapper. Tu devrais aller te reposer quelques heures. Pendant ce temps, je vais faire le nécessaire pour qu’on puisse coincer Thorynque.
- Ouais, tu as raison. Il faut contacter les aéroports, savoir comment il a pu pénétrer au Japon et comment il compte en sortir.
- Eh, tu me prends pour un amateur ou quoi ? lui répondit Grapper en souriant. J’ai vingt ans de métier, p’tit jeune !

Wolf sourit de bon cœur. Il s’apprêtait à rejoindre la salle que le conservateur, dans le plus grand secret, avait fait improviser en dortoir, quand Grapper le retint par le bras.

- Une dernière chose, Derek. Tu crois que c’est Thorynque qui a descendu Zeller et volé le manuscrit ?
- C’est pas impossible. S’il a pété les plombs comme tu dis, il a très bien pu se mettre en tête de collectionner des reliques. Voire de verser dans les trafics en tout genre.

En suivant le conservateur Matsushita qui lui montrait le chemin jusqu’à la salle de repos improvisée, Wolf repensa au singulier poème qu’on lui avait laissé à Surabaya et à l’étrange impression qu’il avait ressenti en le relisant. Et si quelqu’un avait suivi l’affaire Thorynque depuis le début ? Et s’il avait essayé de le tuyauter en lui laissant le poème ?

Les deux agents de l’ASF qui les avaient dessaisis du dossier à Melbourne ?

Impossible. Jamais un agent de l’ASF n’aiderait un gars de la PFS. Et surtout pas sur une affaire aussi importante. Pour qu’une telle coopération soit possible elle eut nécessité une instruction expresse émanant directement du Ministère de la Sécurité Publique.

Mais alors, qui ?

Wolf était trop fatigué pour y penser plus longtemps.

jeudi 21 janvier 2010

LSDO - chapitre 4, verset 2

Pendant que Matsushita et Grapper téléchargeaient les Vidéos au service scientifique de la police de Tokyo, en utilisant un protocole spécial sécurisé, Wolf discuta un peu avec son collègue nippon à propos des suspects éventuels. Il ressortit de cette conversation que seule une organisation dotée de puissants moyens avait pu mettre sur pied un vol de cette envergure. Derek, qui avait toujours dans l’idée que Komodo était derrière le coup, suggéra cette possibilité à Toyoda, qui ne put que l’infirmer. La mafia japonaise gardait jalousement son territoire et toutes les tentatives du trafiquant océanien pour s’implanter dans l’archipel avaient échoué. Les mafieux nippons eux-mêmes ne pouvaient guère être suspectés. Beaucoup d’entre eux étaient des varans ou des serpents farouchement nationalistes, certains appartenaient à des groupuscules d’extrême droite monarchistes. Le respect qu’ils vouaient aux ornements impériaux était tel qu’il eut été impensable pour eux d’organiser un tel vol. Restait l’hypothèse d’une organisation criminelle étrangère (chinoise ? coréenne ? autre ?) que rien ne permettait ni d’étayer ni d’infirmer. Une fois les données transférées à la police scientifique, le conservateur et les agents fédéraux convinrent d’éplucher les dossiers du personnel en quête de suspects potentiels – après tout, le caractère grossier du vol, vitrine bêtement cassée, ne dénotait-il pas un certain amateurisme ? Il n’y avait peut-être pas besoin d’y voir l’œuvre d’une puissante triade mafieuse, mais simplement l’acte isolé d’un déséquilibré. Rien, en apparence, ne reliait ce vol à celui commis à Surabaya au détriment de feu le Pr. Zeller. Avant de consulter les fichiers informatisés du personnel, Wolf et Grapper demandèrent au conservateur quelques précisions.

- M. Matsushita, fit Grapper, quels sont au juste ces Trois Joyaux ?
- Jusqu’à la création de la Fédération et l’abolition de l’Empire du Japon, ils étaient les symboles de l’empereur et de la légitimité de son pouvoir. A l’origine, on leur prêtait des pouvoirs magiques.
- Pouvez-vous les détailler ?
- Bien sûr. Il y a la Parure Sacrée, constituée d’un diadème, un collier et un bracelet d’or, d’argent et de platine. Chacun de ces bijoux porte un diamant, un rubis et une émeraude. Il y a ensuite le Miroir Sacré, en argent poli rehaussé de 111 perles. Enfin, il y a l’ame-no-murakame-no-tsurugi.
- Plaît-il ? fit Grapper, peu familier de l’accent nippon.
- L’ame-no-murakame-no-tsurugi, l’Epée-Qui-Rassemble-Les-Nuages. La lame est forgée dans le meilleur acier qui soit, elle vaut les meilleurs katana de l’époque féodale. Sa forme suggère d’ailleurs qu’elle a été fabriquée par un Japonais.
- Pourquoi cela ? fit Wolf, surpris. Ces joyaux sont d’origine étrangère ?
- Tout à fait. En 655, Yoshiatsu Jimmu fut envoyé par le seigneur de la guerre Hojo comme ambassadeur auprès du roi de Macassar, en Océanie. Sur place, le grand prêtre lui prédit un avenir exceptionnel et le recommanda auprès du roi. Ce dernier, afin de gagner la faveur des dieux, lui fit don des Trois Joyaux, trois présents magiques censés favoriser son destin. En 657, Jimmu revint au Japon avec ses cadeaux. Confiant dans ses chances de réussite, il se révolta, renversant et tuant le seigneur Hojo. Puis, usant tour à tour de la force, de la ruse et de la diplomatie, il soumit tous les autres seigneurs de la guerre et unifia le Japon. En 660, il se proclama empereur.
- Ces Trois Joyaux, reprit Grapper, sont-ils… encombrants ?
- Non. Un individu seul a très bien pu les emporter, si c’est à cela que vous faites allusion.
- Le plus objectivement possible, demanda Wolf, quelle valeur attribuez-vous aux objets dérobés ?
- Les Trois Joyaux valent déjà une fortune si on ne considère que leur seule valeur marchande. Si l’on y ajoute leurs valeurs culturelle, symbolique et politique, ils forment un trésor inestimable. Mais je ne crois pas qu’on les ait volés pour l’argent.
- Comment cela ?
- Leur notoriété est telle qu’il serait impossible de les vendre, au Japon en tout cas.
- Donc, fit Grapper à l’adresse de Wolf, il faudra les transporter à l’étranger…
- Et donc les faire sortir du pays ! poursuivit son équipier. Agent Toyoda, quelles mesures ont été prises en matière de transport ?
- Les gardes-côtes, les douanes et les aéroports sont en état d’alerte maximum. Officiellement, il s’agit d’un exercice de longue durée destiné à tester l’efficacité de ces différents services en cas de crise grave. Ainsi, tout a été mis en œuvre pour que les Joyaux ne quittent pas le Japon.

Wolf et Grapper se félicitèrent en silence de ce déploiement de forces. En arrivant dans la petite salle du musée un peu plus tôt, ils avaient craint de ne disposer que de moyens dérisoires. Mais l’affaire était des plus délicates et justifiait tous les sacrifices. Après cette longue conversation, les agents passèrent plusieurs heures à parcourir les fichiers du personnel (le Musée National de Tokyo était aussi un des plus vastes de la planète), sans résultat. Bien sûr, quelques employés avaient un passé psychiatrique, mais c’était insuffisant pour faire d’eux des suspects sérieux. A ce moment, l’obscurité régnait dans les cerveaux de Wolf et Grapper. C’est juste avant minuit que la lumière fut.

Alors que Grapper continuait à examiner l’écran de son ordinateur d’un œil vide, Wolf se mit à bailler et consulta sa montre. Elle indiquait 23 h 59. Toyoda, qui malgré son zèle était en train de s’assoupir, fut alors réveillé par un « bip » informatique qui le fit sursauter. Regardant devant lui, il put constater que son écran d’ordinateur indiquait qu’une transmission en provenance de la police municipale de Tokyo était en cours.

- Messieurs, venez voir, annonça-t-il à ses collaborateurs fatigués. Le labo a décrypté certaines images de la vidéosurveillance et nous les fait parvenir.

Aussitôt, les esprits embrumés de Wolf et Grapper se réveillèrent complètement. Enfin quelque chose à se mettre sous les crocs ! Ils s’approchèrent du moniteur, impatients. Matsushita, qui tenait à savoir qui avait osé cambrioler le musée le mieux protégé du monde (son musée !), était tout aussi excité. La bande décryptée passa d’abord à vitesse normale, et on ne vit qu’une silhouette fugitive. Toyoda la fit repasser au ralenti. Le logiciel et les techniciens du labo avaient accompli un travail incroyable, et l’image naguère presque totalement brouillée par les parasites était désormais d’une netteté impressionnante. La silhouette du voleur repassa : Toyoda stoppa la bande, puis effectua un zoom sur sa tête. Lorsqu’elle s’afficha en plein écran, Wolf et Grapper médusés contemplèrent, malgré une résolution d'image plutôt moyenne, le visage du cambrioleur : le député Ronnie Thorynque.

dimanche 10 janvier 2010

LSDO - chapitre 4, verset 1

Chapitre 4



Surabaya, antenne locale de la PFS, dimanche 10 avril. 9 h 16.

Décidément, cela commençait à faire un peu beaucoup. Voilà près d’une semaine qu’ils rebondissaient d’affaire en affaire sans jamais pouvoir en mener une seule à terme. A peine commençaient-ils à enquêter ici qu’il leur fallait déjà aller là-bas. Ce manège mettait désormais les nerfs des deux agents à rude épreuve. Ils restèrent quelques minutes dans la salle du téléphone, sans rien dire. Puis, leur sens du devoir reprit le dessus et, toujours sans un mot, ils rentrèrent à l’hôtel boucler leurs valises, laissant en plan l’affaire Zeller. Moins de deux heures après, ils étaient à l’aéroport de Surabaya où un jet Falcon 200 n’attendait qu’eux. Slaughterbean l’avait fait mettre à leur entière disposition pour les emmener rapidement à Tokyo. Un indice supplémentaire de la gravité de la situation : d’ordinaire les jets sont réservés aux déplacements des grands pontes de la PFS – les agents en mission se contentent la plupart du temps des vols commerciaux. Le petit biréacteur emmena Wolf et Grapper au Japon en quelques heures.


***

Musée National de Tokyo, 20 h 15.

Wolf et Grapper s’attendaient à trouver les bureaux administratifs du musée au moins en effervescence, voire surnageant dans une complète pagaille. Surprise, il n’en était rien. L’heure tardive y était évidemment pour beaucoup, mais les autorités tant japonaises que fédérales tenaient expressément à ce que l’affaire ne dégénère pas en scandale. Officiellement – l’annonce avait été faite le matin même – les trois artefacts dérobés étaient en restauration pour une durée encore indéterminée. Afin d’éviter la propagation de rumeurs intempestives, la cellule de crise installée au cœur même du musée ne comprenait que le conservateur, deux techniciens et un agent délégué par l’antenne locale de la PFS. Les allées et venues étaient limitées au strict nécessaire et les différents services concernés (PFS, Musée et Police Municipale de Tokyo) communiquaient entre eux exclusivement par le biais d’internet. Wolf et Grapper eux-mêmes avaient été amenés au musée par une minuscule porte de service, après que leur escorte eut vérifié qu’il y avait un minimum de témoins possibles. La cellule de crise pouvait disposer de moyens illimités sur simple demande. Son organisation cloisonnée n’était pas la plus efficace – dans chaque service concerné, seul le responsable assurait la liaison avec les autres – mais la discrétion primait sur toute autre considération. Peu après leur arrivée au musée, Wolf et Grapper furent présentés aux membres de la cellule de crise : Hideki Toyoda, petit loup gris et chétif, responsable de l’antenne locale de la PFS, et Hiro Matsushita, macaque beige à l’allure insignifiante, mais qui était malgré tout le conservateur du musée le plus moderne de la planète. Toyoda accueillit les deux agents avec la plus grande déférence. Dépendant directement du siège fédéral à Lyon, ils étaient à ce titre des agents « rattachés » (on ne disait plus « spéciaux » depuis que l’arrogante Agence de Sûreté Fédérale avait donné ce titre à ses propres éléments) et constituaient l’élite de la police fédérale, élite envoyée aux quatre coins du globe pour résoudre les affaires les plus délicates. S’il n’était bien sûr pas dénué de qualités, le personnel des antennes locales avait surtout pour tâche d’administrer leur service et d’épauler les « agents rattachés » dans leurs déplacements. Wolf et Grapper étaient bien loin de ces considérations, encore tout surpris qu’ils étaient devant la légèreté du dispositif mis en place. Au moins pourraient-ils débuter leur enquête dans le calme, ce qu’ils firent sans attendre en interrogeant Matsushita.

- Monsieur Matsushita, pouvez-vous nous éclairer sur les circonstances du vol ? demanda Wolf.

Le petit macaque, aux dents saillantes et aux petits yeux bridés cachés derrière des lunettes rondes cerclées de fines montures d’acier, répondit avec un accent pédant.

- Cela s’est déroulé ce matin même, à 5 heures précises. Quelqu’un a simplement dérobé les Trois Joyaux de la Couronne Impériale dans la salle où ils étaient exposés.
- Qu’est-ce que vous entendez par « simplement » ? interrogea Grapper d’un air intrigué.
- Je dis « simplement » parce que le ou les voleurs n’ont été repérés que lorsqu’ils se sont emparés des Joyaux. Les alarmes qui auraient normalement dû signaler tout mouvement suspect n’ont rien détecté. Seule celle qui surveillait l’environnement immédiat des Joyaux s’est mise en route, quand le cambrioleur a cassé la vitrine et les a volés.
- Et que s’est-il passé ensuite ?
- Les gardiens de nuit ont tous convergé vers la salle, selon un plan préétabli qui coupe au voleur toute possibilité de retraite. Les salles et les couloirs sont conçus de manière à faciliter ce déploiement. Mais inexplicablement, les vigiles n’ont trouvé aucune trace, hormis la vitrine cassée.
- Le voleur a peut-être pu passer par les sous-sols, ou sur le toit, suggéra Wolf.
- Impossible ! rétorqua Matsushita sûr de lui. Il n’y a pas d’accès au sous-sol dans cette partie du musée, et les combles comme les toits sont truffés de capteurs.
- Pas de trace d’effraction ?
- Pas la moindre… Sincèrement messieurs, la façon dont ce vol a été commis est tout bonnement incompréhensible ! On peut invoquer une panne isolée d’une alarme, mais le système de sécurité du musée est conçu de manière à éviter toute défaillance généralisée. En toute logique, les cambrioleurs n’auraient pas pu nous échapper.
- J’ai vu beaucoup de caméras en venant ici, dit Wolf. Ont-elles filmé quelque chose ?
- C’est ce qui nous a le plus interloqués, répondit le macaque (dans leur coin, rivés à leur écran d’ordinateur, les deux techniciens du musée opinèrent du chef). Le système de surveillance vidéo n’est pas tombé en panne, il a continué à fonctionner normalement. Mais toutes les images sont comme brouillées, de façon inégale d’ailleurs. Sur les films de certaines caméras, on peut presque apercevoir une silhouette, sur d’autres on ne distingue que de la neige.
- Est-ce que ces enregistrements ont été analysés ? demanda Wolf à l’adresse de Toyoda.
- Pas encore, répondit le petit loup gris. Nous avons eu fort à faire jusqu’ici, et l’antenne de Tokyo ne dispose pas du matériel adéquat. En revanche, la section scientifique de la police municipale vient d’acquérir un logiciel dernier cri permettant d’affiner des images de très mauvaise qualité. Cela ne permet pas d'accroître la résolution, mais ça élimine beaucoup de parasites, d'après ce qu'ils en disent. Si vous le souhaitez, nous pouvons leur expédier les enregistrements sur-le-champ.

lundi 4 janvier 2010

LSDO - chapitre 3, verset 4

Antenne locale de la PFS, Surabaya, dimanche 10 avril 2003. 9 h 00.

Sous le climat tropical de Surabaya, la matinée s’annonçait chaude et moite, comme toujours. Évidemment, on était un dimanche et les bureaux étaient fermés. Mais les permanences tenues dans les antennes locales de la PFS étaient de vraies permanences. Constamment, plusieurs officiers d’astreinte se relayaient par équipe, gérant les enquêtes les plus importantes, recevant les messages, servant de lien entre le QG fédéral à Lyon et les agents envoyés d’un bout à l’autre du monde préserver la sécurité de la Fédération Mondiale des Continents et de ses administrés. 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, tout agent fédéral pouvait y pénétrer grâce à son badge magnétique, réputé infalsifiable. Ce matin-là, Grapper et Wolf passaient emprunter une voiture pour se rendre au zoo fédéral de Madiun, où Hartono Komodo purgeait ses trente ans d’incarcération. Alors qu’ils cherchaient le responsable du garage, un autre agent, un lycaon aux grandes oreilles dépareillées, vint les trouver.

- Agents Wolf et Grapper ? Nous avons reçu, cette nuit, un message du directeur adjoint Slaughterbean, à Lyon. Il souhaite que vous le rappeliez le plus tôt possible.
- Où se trouve votre téléphone satellite ? demanda Wolf.
- Veuillez me suivre, messieurs.
Le lycaon emmena Wolf et Grapper dans la salle du téléphone, dont il était lui-même l’opérateur. Il établit la communication selon le protocole en vigueur, puis laissa le combiné à Wolf. Slaughterbean prit aussitôt la parole d’une voix fatiguée.

- Agent Wolf ? Je commençais à désespérer…
- Navré Monsieur, l’antenne ne nous a pas fait chercher à notre hôtel.
- Aucune importance. Comment avance votre enquête ?
- Les informations que vous nous aviez données à Melbourne étaient exactes. L’archéologue assassiné travaillait sur un manuscrit ancien qui faisait partie de la collection personnelle de Komodo. Nous allions lui rendre visite au zoo sur-le-champ.
- Wolf, il se pourrait que je me sois trompé au sujet de Komodo…
- Comment, Monsieur ?

Wolf ne put cacher sa surprise. Le ton de sa question exprimait la plus parfaite incrédulité.

- Il y a eu un autre vol d’antiquités, aujourd’hui même. Et il est peu probable que Komodo y soit pour quelque chose.
- Pourquoi cela ?
- Parce qu’il s’est déroulé à Tokyo. Komodo n’y a pratiquement aucun contact et étant derrière les barreaux, il peut difficilement avoir monté une telle opération.
- De quelle opération s’agit-il ?
- Ce dimanche, vers 5 heures heure locale, quelqu’un s’est introduit dans le musée national de Tokyo, sans déclencher l’alarme. Il y a dérobé les trois trésors sacrés qui constituaient les joyaux de la couronne impériale du Japon.

Le musée de Tokyo était réputé dans le monde entier pour les systèmes de sécurité que les Japonais, maîtres de l’électronique, y avaient installés. C’était vraiment le dernier endroit où tenter un casse. Le vol paraissait si incroyable que Wolf en resta bouche bée pendant que Slaughterbean continuait.

- Prétextant un incident technique, la direction du musée a fait fermer la salle. Pour éviter que l’affaire ne s’ébruite, elle annoncera dès demain que les joyaux ont été retirés de l’exposition afin d’être restaurés. Wolf, vous êtes toujours là ?

Le directeur adjoint avait retrouvé son énergie habituelle. Wolf sursauta en répondant par l’affirmative.

- Vous partez immédiatement pour Tokyo. C’est une affaire de la plus haute importance. Le musée tient naturellement à préserver sa réputation, mais ce n’est pas ce qui nous importe le plus. Les joyaux dérobés sont un symbole national au Japon. Si on apprend qu’ils ont été volés, cela causera un véritable scandale dont la Fédération pourrait pâtir. C’est pour cela que la PFS doit régler cette affaire. Vous comprenez ?
- Oui Monsieur, répondit Wolf qui avait retrouvé sérieux et concentration.
- Vous devez retrouver les joyaux et arrêter le ou les coupables le plus vite possible. Je n’ai pas d’autres détails à vous donner. Dès que je le pourrais, j’enverrai d’autres agents pour vous épauler, mais vous devrez commencer seuls. J’ai prévenu notre antenne de Tokyo, elle mettra toutes ses ressources à votre disposition. Des questions ?
- Est-il possible qu’il y ait un lien entre ce vol et celui commis à Surabaya ? demanda Grapper par le haut-parleur.
- Ça l’est, mais ce n’est pas notre priorité pour l’instant. Il faut retrouver les joyaux. Il faut des résultats. Et vite ! Est-ce bien clair ?
- Oui, Monsieur, firent les deux agents.
- Alors bonne chance. Je compte sur vous. La PFS et la Fédération comptent sur vous.

Slaughterbean raccrocha. Le combiné toujours en main, Wolf s’assit sur une chaise, resta quelques instants les yeux dans le vague, puis regarda Grapper et, comme à Melbourne, poussa un profond soupir.