dimanche 25 octobre 2009

LSDO - chapitre 2, verset 1

Chapitre 2



Lyon, siège central de la Police Fédérale de Sécurité, lundi 4 avril. 9 h 11.

La douce lumière du matin réchauffait le bâtiment que la PFS occupait depuis 1988 sur les berges du Rhône. Idéalement situé dans un cadre agréable, à moins d’une heure d’autoroute de la capitale de la Fédération, Genève, le QG mondial de la police fédérale faisait forte impression sur les touristes. Le majestueux bâtiment était étalé, tout en longueur, sur une étroite bande de terre coincée entre le fleuve et le vaste parc de la Tête-d’Or. Il faisait bon respirer l’air printanier. Dans le parc, le gazouillis des petits passereaux suscitait l’admiration de leurs cousins éloignés, les oiseaux que les mystères de l’évolution avaient rendus plus grands, plus intelligents, plus habiles, en un mot civilisés, et qui en cette douce matinée d’avril se hâtaient vers leurs bureaux pour y mériter leur salaire.

Un quart d’heure après son arrivée dans les locaux de la PFS, Derek Wolf tâchait de s’occuper du mieux qu’il pouvait en attendant qu’on daigne lui confier une nouvelle affaire. Face à lui de l’autre côté de la pièce, Dan Grapper terminait de la paperasserie en retard tout en avalant un café de plus en plus infect à mesure qu’il refroidissait. Quelqu’un frappa à la porte et, sans attendre la réponse, l’agent Da Costa entra dans la pièce.

- Wolf ? Grapper ? Slaughterbean veut vous voir dans son bureau.
- Tout de suite ? demanda Wolf.
- Si possible, oui.
- Tu sais de quoi il veut nous parler ? interrogea Grapper.
- Les voies du directeur adjoint sont impénétrables… répondit le chacal qui retourna sans plus attendre au travail.

En se rendant dans le bureau de Slaughterbean, les deux agents traversèrent la vaste salle commune affectée au département du directeur adjoint. Elle grouillait d’une activité intense. Agents, secrétaires, chargés de maintenance, employés de tous rangs allaient et venaient sans cesse, répondaient au téléphone, rédigeaient rapports et mémoires. A l’écart de cette agitation, le vaste bureau du « patron », comme tout le monde l’appelait dans le service (et pas nécessairement par affection), ressemblait à une oasis de calme dans la tempête. On aurait volontiers pu y rajouter l’adjectif « salvatrice », mais être convoqué dans ce bureau n’était pas toujours une partie de plaisir. En l’occurrence, Wolf sentait que lui et son collègue allaient prendre une sacrée branlée pour leur comportement à Memphis. Il n’en fut rien. Slaughterbean était en train de finir le McMorning salé qu’une jeune cane mal réveillée lui avait servi trois quarts d’heure plus tôt au restaurant McDaffy’s de la Guillotière. Bonne chose, se dit Wolf, car le directeur adjoint était de bien meilleure humeur lorsqu’il avait le ventre plein. Les deux agents adressèrent à leur supérieur un bonjour dans lequel ils mirent autant d’entrain que possible en pareille circonstance, c’est-à-dire très peu. Sans leur répondre, Slaughterbean leur fit signe de s’asseoir en terminant son jus d’orange. Puis il jeta les emballages dans sa corbeille à papiers et engagea la conversation.

- Wolf, Grapper, nous avons un problème.
- Euh… (les deux agents se regardaient, interloqués).
- … Quel genre de problème, Monsieur ? demanda finalement Wolf.
- Le député Ronnie Thorynque a disparu.
- Disparu ? A-t-il été… enlevé ?

Dans les années 1960, à l’époque de la guerre de l’Annam, les enlèvements de députés étaient monnaie courante. Les crocodiles de l’Etat-Major Général, qui avaient le gouvernement à leur botte, y avaient parfois recours pour museler l’opposition pacifiste. Les rapts ne se terminaient pas toujours bien pour les victimes… Cette période sombre de l’histoire de la Fédération Mondiale du Règne Animal avait marqué ses contemporains. Trente-cinq ans après, c’était pour certains une blessure qui ne cicatrisait pas.

- Non… Enfin, on ignore ce qui lui est arrivé. Des témoins ont affirmé l’avoir vu dans un club branché du centre de Melbourne, dans la nuit du vendredi 1er au samedi 2 avril. Le lendemain, il devait participer à une réunion de la commission parlementaire océanienne sur le respect des libertés locales. On ne l’y a pas vu. Hier, des proches lui ont rendu visite chez lui, mais sa maison était vide.
- Mais ce député avait sûrement des ennemis, dit Grapper. Peut-être qu’il trempait dans des affaires louches, ou qu’il avait mis le museau là où il ne fallait pas.
- Nous n’avons pratiquement aucune information concluante à ce sujet. Thorynque n’a pas d’antécédents criminels connus.
- Ses ennemis politiques ?
- Connaissez-vous le mouvement du député Thorynque ?
- Oui, répondit un Wolf un peu hésitant. Ce n’est pas vraiment ce qu’on pourrait appeler un ténor de la tribune, mais son originalité est connue de la presse politique. Un peu comme le député Lamantin.
- Vous lisez la presse politique, Wolf ?
- Jamais pendant les heures de service, Monsieur.

La répartie de l’agent Wolf avait arraché à son supérieur un demi-sourire.

- Et que savez-vous de ses opinions ? reprit le directeur adjoint.
- Thorynque est un localiste. Tout le pouvoir aux municipalités, pour simplifier. Il n’a que peu d’influence en dehors de sa circonscription, celle d’Adélaïde, où il est très populaire. Son mouvement, celui des monotrèmes, est affilié au Parti des Mammifères.
- C’est exact. Lors des dernières élections, les monotrèmes ont présenté trois candidats, alors qu’il y a plus de 1.500 circonscriptions dans le monde. Seul Thorynque a été élu. Les autres, deux échidnés, ont été battus à plates coutures, à Melbourne et à Port Moresby. Autrement dit, Thorynque ne fait pas de tort à beaucoup de monde.
- Peut-être les marsupiaux régionalistes ? Leurs positions sont moins extrêmes, mais elles s’apparentent beaucoup aux siennes. Certains marsupiaux ont pu craindre sa concurrence.
- C’est possible, mais quoi qu’il en soit ce sera à vous de le confirmer ou non. Vous partez demain pour Melbourne. Le responsable de notre antenne locale vous donnera le nom des membres de la police locale à contacter.
- Pourquoi avoir fait appel à la police fédérale pour une simple disparition ? demanda Grapper.
- C’est un membre du Parlement Fédéral qui a disparu. Si peu important soit-il, l’Etat fédéral se doit de suivre cette affaire de près, ne serait-ce que pour éviter tout début de scandale. C’est pourquoi vous devrez mener cette enquête avec diligence et discrétion.
- Bien Monsieur, répondirent ensemble les deux agents.
- Votre avion part tôt demain matin pour l’Australie. Je vous donne votre journée.
- Merci, Monsieur.
- Bon voyage et bonne chance, messieurs. Et n’oubliez pas : diligence et discrétion.

Grapper et Wolf se levèrent et saluèrent leur supérieur. Décidément, ils voyageaient beaucoup ces derniers temps.

dimanche 18 octobre 2009

LSDO - chapitre 1, verset 4

PC de campagne de la PFS à Memphis, samedi 2 avril. 2 h 38.

- Grapper ! Wolf ! Bon sang, qu’est-ce qui vous a pris d’anticiper les ordres ! Tout ça aurait pu tourner au carnage !

Les deux agents n’étaient pas vraiment surpris par la soudaine colère de Slaughterbean. Pourtant, ils se jetèrent mutuellement un regard anxieux.

- J’attends ! fit Slaughterbean sur un ton encore plus sec.

Grapper, très embarrassé, se décida finalement à parler. Il ne se voyait pas vraiment avouer à son supérieur qu’il avait écouté Moldhair et ses ridicules histoires de message subliminal…

- C’est moi, Monsieur…
- Vous, Grapper ? Mais pourquoi diable avez-vous fait une connerie pareille ?
- C’est ma faute, Monsieur, dit subitement Wolf. Nous étions en place selon les ordres, mais je me suis « grillé », et Grapper a attaqué pour me couvrir…
- Je n’en crois rien ! Votre assaut était minutieusement préparé. Autrement, vous ne seriez pas là pour m’en répondre.
- Monsieur…

Fuchs Moldhair se tenait derrière le directeur adjoint, un épais dossier sous la patte.

- Un instant, Moldhair. Ce n’est pas à vous que je m’adresse.
- Monsieur, les agents Grapper et Wolf ont agi sur ma demande.
- Quoi !? Hmm, j’aurais dû m’en douter…

Slaughterbean regarda Moldhair un instant, puis se retourna pour dévisager Grapper et Wolf d’un œil courroucé. Puis il s’éloigna vers la pièce qui lui tenait lieu de bureau, se contentant de crier, après en avoir franchi le seuil :

- Agent Moldhair, dans mon bureau tout de suite !

Sans cesser de contempler la scène, Grapper se pencha vers Wolf :

- Moldhair est peut-être un cinglé, mais au moins il sait prendre ses responsabilités.

Aussitôt après, les deux agents regagnèrent leur motel, dormirent quelques heures et rassemblèrent leurs affaires.


***

Dans le fourgon qui les conduisait à leur lieu de détention, Cortex et Minus étaient assis, pensifs et silencieux. Un peu désorienté, Minus finit par demander, toujours aussi bêtement :

- Dis Cortex, qu’est-ce qu’on fera, la nuit, en taule ?
- La même chose que chaque nuit, Minus : tenter de conquérir le monde !

dimanche 11 octobre 2009

LSDO - chapitre 1, verset 3

Station de radio KM Country Music, Memphis, 23 h 18.

Moldhair, Squeully, Wolf et Grapper se faufilaient prudemment dans les couloirs sombres de la station. Trois quarts d’heure auparavant, Minus et Cortex s’y étaient introduits. Les agents de la PSF s’étaient aussitôt déployés dans et autour du bâtiment, attendant la diffusion des revendications des deux rongeurs pour donner l’assaut.

Arrivé à une intersection, Moldhair fit comprendre par gestes que lui et Squeully allaient prendre sur la droite alors que Wolf et Grapper iraient tout droit. Ces derniers obtempérèrent et, au bout de quelques secondes, arrivèrent près du studio où se trouvaient les deux suspects. Wolf, toujours accroupi, jeta un coup d’œil à l’intérieur de la pièce et évalua la situation. C’était le studio central : trois de ses quatre murs étaient partiellement vitrés. Wolf se trouvait près de la porte principale ; sur le côté droit, il y avait une petite porte de service par laquelle Moldhair entrerait. Cortex était assis à la console principale, au centre, où il préparait son forfait tout en braquant son pistolet-mitrailleur sur ses deux otages, le réalisateur et l’animateur, enfermés et ligotés dans la cabine du technicien, sur la droite. Quant à Minus, il avait posé son arme et bricolait une installation de fortune à partir du matériel pourtant moderne du studio, face à Wolf mais de l’autre côté de la pièce. Moldhair avait raison, les deux souris mijotaient quelque chose de peu ordinaire. Fuchs devait, pour couper le courant, provoquer un court-circuit en reconnectant à l’envers deux prises du panneau de commandes situé juste à gauche de la petite porte de service. A l’intérieur de la pièce, Minus achevait ses préparatifs.

- Dis Cortex, qu’est-ce qu’on fait maintenant ? dit-il d’une voix aiguë et idiote.
- As-tu terminé d’installer le transpondeur à énergie ionique ? répondit l’autre sur un ton monocorde.
- Oui.
- Alors nous allons pouvoir diffuser mon message subliminal, et bientôt nous pourrons tenter de conquérir le monde.
- Oh, chic alors !

Cortex sortit une cassette de sa poche, rectifia quelques branchements sur la console et l’introduisit dans le lecteur. C’est à ce moment là que la petite porte de service s’ouvrit. Afin de créer une diversion, Squeully tira un coup de feu dans une des vitres du studio, qui vola en éclats dans un fracas épouvantable. Minus lâcha une rafale de mitraillette qui n’atteignit personne. Il n’eut pas le temps d’ajuster son tir : vif comme l’éclair, Moldhair avait déjà effectué le branchement voulu et se remit à couvert. Grillées par le court-circuit, les lampes vacillèrent, puis s’éteignirent. Le studio sombra dans une obscurité à peine tempérée par les lueurs rouges des lampes de secours. Sans laisser aux deux criminels le temps de se ressaisir, Wolf et Grapper pénétrèrent en trombe dans le studio en criant « PFS ! Les mains en l’air ! ». Joignant le geste à la parole, Grapper se jeta sur Cortex qui se laissa désarmer sans opposer de résistance, pendant que Wolf traversait le studio à toute vitesse. Minus pointait déjà son arme sur la cabine où se trouvaient les otages ; Wolf le coinça contre le mur, lui arracha son arme et le plaqua au sol. Moldhair et Squeully entrèrent à leur tour : pendant que la seconde libérait le réalisateur et son collègue animateur, le premier n’avait plus qu’à constater que tout était fini. Il s’empara du talkie-walkie accroché à sa ceinture et annonça leur victoire au directeur adjoint.

« Equipe Sierra Mike à PC. Les agresseurs sont maîtrisés. Je répète : les agresseurs sont maîtrisés »

L’assaut n’avait duré que quelques secondes. Slaughterbean avait sursauté en entendant le coup de feu tiré par Squeully. À peine s’était-il demandé ce qui se passait que la station de radio s’était retrouvée dans le noir. Et maintenant, Moldhair lui annonçait qu’il maîtrisait la situation. C’était un peu trop. Slaughterbean regarda quelques instants son talkie-walkie avec incrédulité, étouffa un juron puis se dirigea à grandes enjambées vers le studio central.

mardi 6 octobre 2009

Histoire pour tous

Nous interrompons momentanément la diffusion du Seigneur des Oiseaux pour une petite nouvelle...



J'entourage tous ceux que l'histoire intéresse à passer régulièrement sur ce tout nouveau site : http://www.histoire-pour-tous.fr/ .

Créé par une équipe de passionnés, Histoire pour tous a pour objet de proposer une large gamme d'articles consacrés aux nombreux domaines de cette discipline : histoire proprement dite mais également littérature, télévision, sites à visiter... Le tout avec une approche sérieuse mais accessible, une vulgarisation qui se veut à la portée de chacun sans pour autant tomber dans les raccourcis et la facilité.

Pour l'anecdote, j'aurai l'honneur d'y contribuer de façon sporadique.

Le site dispose également d'un forum qui vient d'être lancé : http://www.histoire-pour-tous.fr/forum.html

Bonne lecture à tous !

mercredi 30 septembre 2009

LSDO - chapitre 1, verset 2

Le briefing touchait à sa fin. Une vingtaine d’agents écoutait le directeur adjoint Pat Slaughterbean donner ses dernières instructions.

« D’après nos renseignements, les deux suspects ont l’intention de se rendre maîtres de la station de radio KM Country Music pour y diffuser leurs revendications. En somme, c’est presque un mini coup d’État. Ils sont armés et dangereux, alors soyez sur vos gardes. Chacun sait ce qui lui reste à faire. Bonne chance à tous. »

Slaughterbean était un renard corpulent et entre deux âges, dont le poil commençait à grisonner et se raréfier sur le sommet du crâne. Dan Grapper ne cessait de plaisanter (discrètement) à ce sujet ; à chaque fois, Derek Wolf mourait d’envie de lui rétorquer qu’il subirait bientôt le même sort, car la tignasse rousse de Grapper se faisait effectivement de plus en plus rase. Après avoir enfilé un gilet pare-balles, les deux agents s’apprêtaient à rejoindre leur poste quand leur attention fut détournée par des cris. Dans une salle ouverte, un peu à l’écart, un autre agent fédéral et sa coéquipière s’engueulaient comme du poisson pourri :

- Ils ne vont pas diffuser des revendications quelconques ce soir ! dit le mâle, un renard à la fourrure rousse très sombre, presque noire. Ils vont passer un message subliminal !
- Mais tu entends ce que tu dis ! rétorqua sa partenaire d’une voie crécelle. Enfin, tu n’imagines tout de même pas que ces deux rongeurs vont conquérir le monde en utilisant je ne sais quels pouvoirs paranormaux !
- Tenter de conquérir le monde, ils font ça depuis des années. Et qui te parle de pouvoirs paranormaux ? Ils vont juste diffuser un enregistrement doublé aux ultrasons. Un enregistrement dont la fréquence altérera le fonctionnement de notre cerveau et nous poussera à nous soumettre à la seule véritable autorité : la leur !
- Moldhair, ce n’est pas scientifique !
- Mais c’est ce qui va se produire si on n’intervient pas avant qu’ils diffusent leur message ! Sinon, on ne pourra rien faire !
- Salut, Fuchs ! Y a un problème ?

Moldhair et Squeully, visiblement contrariés que Grapper ait surpris et interrompu leur engueulade, ne soufflèrent mot pendant quelques instants. Ce qui permit à Wolf d’observer la jeune femelle à loisir. Dana Squeully était une très belle louve arborant une magnifique fourrure d’un roux très clair. Ce n’était pas la première fois qu’il la remarquait, et force était de constater qu’elle lui plaisait beaucoup. Malheureusement, Squeully ne se départissait pour ainsi dire jamais d’un air glacial à même de dissuader le plus esseulé des célibataires de lui adresser la parole.

- Moldhair ? reprit subitement Grapper.
- Hum, euh… Oui, Grapper, Wolf, on a besoin d’un coup de main ! Les deux zygotos ne vont pas se contenter de demander une rançon ou je ne sais quoi, ils vont diffuser un message subliminal.

Les deux agents adressèrent à Moldhair un regard incrédule sous l’œil navré de Squeully.

- Moldhair, répondit Grapper après quelques instants, je sais que toi et Squeully, vous suivez ces deux-là depuis des semaines. On respecte ton boulot, t’es un des meilleurs agents du département… Tu es sûr de ce que tu avances ?
- Je n’ai pas de preuves concrètes, si c’est ça que tu veux dire. Mais de toute façon, ce n’est pas là-dessus qu’on les condamnera.
- En admettant que tu aies raison, dit Wolf, en quoi cela nous concerne-t-il ?
- Le plan de Slaughterbean est d’attendre que le message de revendication soit diffusé, n’est-ce pas ?
- Oui…
- Ce message ne doit en aucun cas passer à l’antenne. Dans le cas contraire, leurs partisans se compteraient demain matin par dizaines de milliers.
- Et comment tu comptes faire ? demanda Grapper.
- Il faut anticiper l’assaut.
- Et désobéir aux ordres ?!
- C’est le seul moyen ! Je tacherais de couper le courant. Squeully me couvrira. C’est à ce moment là que vous passerez à l’action et les neutraliserez tous les deux.

Le regard de Wolf s’attarda sur le dossier ouvert sur la table. Parmi divers papiers trônaient les photographies de deux des plus dangereux criminels de la planète, qui allaient peut-être, cette nuit, tenter de conquérir le monde : Minus et Cortex. L’agent fixa le portrait des deux souris blanches : Minus, le serviteur zélé, à l’apparence stupide mais inquiétante ; et Cortex, le cerveau, front fuyant, crâne démesuré, regard froid, imperturbable et impénétrable. Derek Wolf songea que cette nuit, leur règne sur le monde allait peut-être commencer. Un message subliminal ? Cela semblait fou. Moldhair était coutumier de ce genre de théorie abracadabrante, une réputation qui le suivait depuis l’académie. Mais il passait aussi pour être un véritable génie. Il avait déjà résolu plusieurs affaires en apparence inextricables. Les autres agents s’étaient maintenant tus, suspendus à la réponse de Wolf.

- Ton histoire est à dormir debout, dit-il enfin, mais je te fais confiance, Moldhair. Je vais t’aider.
- Alors c’est bon pour moi aussi, renchérit Grapper.
- Merci les gars ! Je vous le revaudrai.

Les quatre agents finirent de se préparer et se rendirent aussitôt sur place.

dimanche 20 septembre 2009

LSDO - chapitre 1, verset 1

Il est temps.

À partir de maintenant, ce blog va publier, morceau par morceau, le modeste roman auquel il doit soit nom. J'en appelle à l'indulgence : ceci reste une oeuvre de jeunesse, vieille de cinq à six ans. Naturellement, cela ne doit pas vous dispenser d'émettre vos commentaires. Je m'efforcerai de publier aussi régulièrement que possible.





Chapitre 1



Memphis, continent fédéré d’Amérique du Nord, vendredi 1er avril 2003. 19 h 21.

« Fichus programmes télé ! »

Allongé sur le lit, un bras derrière la tête, l’agent fédéral Dan Grapper éteignit le poste et reposa la télécommande sur sa table de chevet dans un geste de dépit. A l’autre bout de la chambre, son coéquipier, assis à la table qui faisait office de bureau, lisait tranquillement son journal.

- Eh Derek, qu’est-ce qu’il y a dans le journal ?
- Rien d’intéressant. Juste les résultats complets des dernières élections. On votait encore hier, dans cette circonscription.
- Ah, c’est vrai…

L’agent Derek Wolf n’avait pas daigné tourner la tête pour répondre. Il se replongea aussitôt dans les pages du quotidien local. Les résultats du vote de la veille occupaient bien les deux tiers du journal. On n’élit pas tous les jours son représentant au Parlement fédéral.

« C’est donc à une large majorité que M. Colingwood a été élu député de la circonscription du Tennessee. Ce résultat ne change rien à ceux déjà acquis dans le reste du monde en février dernier… Et maintenant, la composition définitive du parlement fédéral :

Parti des Mammifères : 567 sièges (37,8%) - dont Placentaires (majorité) : 528 sièges (35,2%) ; Marsupiaux (majorité, régionalistes) : 38 sièges (2,5%) ; Monotrèmes (majorité, localistes) : 1 siège (0,1%).
Parti des Amphibiens : 328 sièges (21,9%) - dont Anoures (majorité) : 278 sièges (18,5%) ; Urodèles (opposition, centralistes) : 34 sièges (2,3%) ; Apodes (opposition, Troisième Voie) : 16 sièges (1,1%).
Parti des Reptiles : 605 sièges (40,3%) - dont Sauriens (opposition, centralistes radicaux) : 356 sièges (23,8%) ; Ophidiens (opposition, centralistes modérés) : 227 sièges (15%) ; Chéloniens (majorité) : 22 sièges (1,5%).

… La coalition gouvernementale fédéraliste, malgré l’importante progression du Parti des Reptiles, dispose d’une majorité suffisante (au moins 867 sièges sur 1.500, soit près de 58% des voix)… C’est donc sans surprise que l’on retrouve 15 mammifères au sein du gouvernement fédéral… »

Derek arrêta là sa lecture. Il avait parcouru dans tous les sens les résultats électoraux lors des semaines précédentes et tout ce qui était écrit à ce propos dans le journal, il le savait déjà. L’agent fédéral chercha en page Mondial de quoi satisfaire sa curiosité. Il finit par trouver l’entrefilet tant attendu.

« Océanie : pas de cour de cassation pour l’empereur de la drogue
La cour d’appel fédérale de Surabaya a rejeté hier le pourvoi en cassation de « l’empereur » de la drogue océanien, Hartono Komodo… Komodo, âgé de 54 ans, avait été condamné à 30 ans de réclusion pour ses activités criminelles, en janvier dernier… Komodo avait été capturé à l’issue d’une enquête très délicate, menée pendant près d’un an par la Police Fédérale de Sécurité sous la houlette du directeur adjoint Pat Slaughterbean… A bord du yacht de Komodo avaient été saisis, lors de son arrestation, près d’une tonne d’héroïne ainsi qu’une collection d’objets d’art acquis illégalement, dont certains d’une grande valeur historique… »

L’agent Wolf se laissa aller à un petit sourire de satisfaction qui découvrit ses crocs. Pendant plus d’un an, lui et ses collègues avaient réuni preuves et indices pour coincer Komodo, qui exportait tellement de drogue qu’on en arrivait à dire de lui qu’il finirait par noyer le monde dans l’héroïne. Le Ministre de la Sécurité Publique avait tenu à féliciter en personne Slaughterbean et son équipe. Comme lui, Derek pouvait s’estimer satisfait : Komodo allait passer trente ans derrière les barreaux. La PFS n’avait pas travaillé pour rien. Derek se gratta l’extrémité inférieure du museau avec ses griffes, lissa sa belle fourrure gris-beige, puis regarda son image dans le miroir accroché au mur face à lui, et se dit que finalement, il n’était pas trop mal pour un loup célibataire. Il voulut montrer à Grapper l’article du journal mais n’en eut pas l’occasion : le téléphone de son équipier venait de sonner.

« Grapper… Oui… On arrive tout de suite ! »

Le renard raccrocha aussitôt et se leva d’un bond.

- Qu’y a-t-il ? demanda Derek.
- C’est pour ce soir. Briefing à 20 h 00 au PC.

Sans plus attendre, les deux agents enfilèrent par-dessus leur chemise blanche une veste bleu marine, frappée dans le dos des initiales PFS en jaune, puis quittèrent le motel.

samedi 22 août 2009

Reportage exclusif : la conspiration progresse !

Lors d'une mise à jour précédente, je me demandais si certains n'attendaient pas que je leur offre un voyage à Disneyland Paris pour ouvrir les yeux sur la réalité du complot anatidé.

Eh bien, c'est exactement ce que j'ai décidé de faire, grâce à ce reportage photo de notre envoyée spéciale sur place. Vous pourrez constater que la mainmise des canards sur ce lieu très fréquenté, aux portes de notre capitale, est plus qu'inquiétante.


Tout commence par une vue paisible d'un lieu dédié aux loisirs, au repos et à la volupté. Bon, peut-être que j'en fais un peu trop concernant la volupté. N'empêche. À y regarder de plus près, tout n'est pas si calme...

ILS sont là ! Et ils ne font pas que se baigner tranquillement en famille ; cela, vous le savez depuis notre reportage sur les canards de St-Pétersbourg en hiver.

Non, ils espionnent, l'air de rien. Comme celui-ci, par exemple, qui nous regarde du coin de l'oeil. Oui, du coin, vous avez bien lu.

Bien sûr, une fois repéré, le volatile espion tente de s'éclipser l'air de rien. Mais il s'est définitivement fait capter.

Il va alors donner l'alerte, discrètement. Car ne croyez pas qu'il va se mettre à cancaner gaiement histoire d'ameuter toute la mare. Non, le palmipède infiltré est plus malin que ça.

Comment s'y prend-il ? Très simple, et c'est notre correspondante qui nous l'a fait remarquer. Observez bien la position croisée de ses ailes !

Un code, un signe de ralliement, que sais-je encore...

Ainsi repérée dès son arrivée, notre correspondante n'allait plus être lâchée d'une semelle.

Marchant dans une allée isolée, elle eut subitement la sensation d'être observée. Puis, toujours selon son récit, quelque chose attira son attention au pied d'un arbre.

Gaulé ! Et avec une tenue camouflée, en plus. Si ce n'est pas la preuve qu'il a quelque chose à se reprocher. Encore plus pathétique, l'apprenti James Bond emplumé fait ici semblant de dormir...

Plus tard, c'est une silhouette malveillante qui se détache de l'atmosphère pluvieuse d'une fin de journée à Disneyland, alors que notre correspondante regagne son hôtel.

Et le lendemain matin, sitôt l'hôtel quitté, la traque recommence. Ou plutôt, aurait dû recommencer, car les oiseaux sont complètement pris en défaut par cette sortie matinale.

Certains dorment encore...

... tandis que d'autres achèvent nonchalamment leur toilette. Mais la traque va bien vite reprendre, jusqu'au coeur des attractions !

Les trois volatiles ont repéré leur cible. Ils s'en approchent...

... sous l'oeil légitimement apeuré du jeune homme en haut à gauche. Celui-ci doit savoir jusqu'où les canards sont prêts à aller pour corrompre notre belle jeunesse !

Ensuite ils établissent le contact...

... puis mettent les voiles - ou plutôt, les palmes. En effet, ils n'étaient là qu'en mission de reconnaissance. C'est un autre de leurs congénères qui va mener la phase suivante de ce qui s'apparente bel et bien à une opération finement planifiée depuis le début...

... l'attaque ! Face à l'irruption de ce volatile agressif, notre correspondante n'a eu la vie sauve que par un heureux concours de circonstances : elle était en train de manger un muffin à la myrtille.

Elle eut alors la présence d'esprit de lui en jeter une miette, que notre agresseur au cerveau étriqué s'empressa d'aller stupidement picorer à mort.

Notre correspondante comprit alors qu'elle n'était décidément pas la bienvenue à Disneyland Paris, où manifestement, ce sont à présent les canards qui font la loi. Ce serait anecdotique si le parc d'attraction ne recevait pas des millions de visiteurs par an...


Pourquoi croyez-vous qu'ils y ont fait leur coming-out ?

vendredi 7 août 2009

La news de l'été

Chères lectrices, chers lecteurs.

Vous l'aurez remarqué, la promesse de mises à jour régulières à la suite de mon retour de Russie a fait, disons, long feu. Oui, je sais, bouh, pas bien, c'est mal, et tout ça.


Mais c'était pour une bonne raison : après s'être lamentablement planté dans la reliure de l'exemplaire papier du Seigneur des Oiseaux destiné à la Société des gens de lettres, votre serviteur a finalement trouvé le moyen d'en expédier une version sur support numérique, qui a été enregistrée aujourd'hui même. Voilà LSDO protégé pour quatre ans, hosanna.


Vous ne pourrez plus me le piquer, sales canards !



Attendez-vous donc prochainement à la mise en ligne, épisode par épisode et ici-même, du plus extraordinaire et ridicule roman de l'histoire de la littérature aviaire ! Mais avant cela, c'est un reportage inédit qui enrichira ce blog...

dimanche 19 juillet 2009

La Horde d'Or (coin !)

Chers amis, il est plus que temps de ressusciter ce blog. Je sais pertinemment qu'après deux mois de silence, vous l'aviez cru mort. C'est en partie vrai : pas d'article, pas de commentaire, la loose ultime, et ce pendant 63 jours. Mais c'en est fini désormais : it's alive !

Et pour repartir du bon pied, quoi de plus normal qu'une galerie de photos consacrée à l'inquiétante présence des canards à St-Pétersbourg ? À ma décharge, je dois signaler que mon séjour sur place, la première quinzaine de juin, et sa préparation, ont accaparé l'essentiel de ce premier mois d'absence. Et ensuite, il a fallu s'en remettre - tout en prenant des cuites avec des collègues, des zététiciens et des amis.

Mais bon, plongeons sans plus attendre dans l'univers glauque des canards pétersbourgeois.


Belle pièce d'orfèvrerie que ce calice fait à partir d'une coquille de nautile, hein ? Mais regardez un peu quelle créature malfaisante se cache dessus...


Encore un... Comment ça, c'est une oie ? Bon, je reconnais qu'il y a une petite ressemblance. Mais c'est parce que c'est du mimétisme ! Il s'agit en réalité d'un canard déguisé en oie.


Bon, cette fois, OK. Ce n'est pas un canard. Mais il me fait peur, ce mouton. Je trouve qu'il a quelque chose à se reprocher. Et vu son voisinage aviaire, ça ne m'étonnerait pas que ça vienne d'eux. Enfin, je veux dire, des canards.


Ah, là vous allez pas me dire, c'en est un ! Il a les pattes palmées, le bec plat, et la langue tirée exprimant à merveille sa nature pernicieuse d'anatidé.


Là, c'est... euh non, rien. C'est juste une autruche en or, faite autour d'un oeuf d'autruche. Rien que de très banal, comme bibelot, chez le tsar de toutes les Russies.

Toutes ces photographies proviennent de l'exposition d'orfèvrerie qui se trouve dans la salle Alexandre du musée de l'Ermitage (l'ancien palais d'Hiver, faut-il le rappeler). Elle provient essentiellement de la collection des tsars, ainsi que d'autres sources, dont celle des Youssoupoff. Tout ceci est bien évidemment une preuve supplémentaire de la présence insidieuse des canards jusque dans l'intimité des familles les plus puissantes de la Russie impériale - dont celle du tsar lui-même - et de leur influence sournoise sur le pouvoir.

Je ne sais pas ce qu'il vous faut de plus pour comprendre à quel point nous sommes en danger. Qu'attendez-vous pour réaliser ce que les canards trament dans notre dos ? Un voyage à Disneyland Paris ?

dimanche 17 mai 2009

La Très Sainte Église de Raptor Djizeuss

Aujourd’hui, un article qui ne concernera les canards que de façon très indirecte. Pas la peine de pleurnicher, c’est comme ça.



Je vais plutôt vous parler de Raptor Djizeuss.


Comme beaucoup d’autres phénomènes liés à Internet, nul ne sait quand et comment Il est apparu, mais c’était il y a longtemps. Plutôt que de vous expliquer littérairement le concept, je crois que le plus simple est de vous en montrer une image.


En fait, c’est Jésus avec une tête de Raptor.


Plus exactement, de Velociraptor, vous savez, ces petits dinosaures carnivores à gros orteil griffu et qui sont particulièrement friands d’êtres humains, si possible pré-adolescents, dans Jurassic Park, roman de Michael Crichton et film de Steven Spielberg, respectivement.


Naturellement, il y aura bien des grincheux pour vous expliquer qu’en réalité, Velociraptor ne mesurait pas plus d’un mètre de long, et que les Velociraptor de Jurassic Park sont en fait des Deinonychus, des dinosaures de la même famille dont le gabarit correspond mieux, mais ce sont des mécréants qui n’entendent rien à Son enseignement.


À l’instar des autres divinités absurdes vénérées sur le Web, comme le ridicule Monstre Spaghetti Volant, l’inepte Licorne Invisible et Rose, ou encore la chauve-souris-poulpe Cthulhu, Raptor Djizeuss a derrière Lui toute une théologie dont voici le résumé succinct.


Avant ça, il était nageur de compétition. On le voit ici lors du 100 mètres nage libre des Jeux Dinolympiques.


Raptor Djizeuss est apparu il y a quelques 90.000.000 d’années pour prêcher la Vraie Foi parmi ses enfants les dinosaures, et répandre la Bonne Nouvelle de la Sainte Trinité dinosaurienne, Père, Œuf et S(aurien)t-Esprit. Puis, 25.000.000 d’années plus tard, une météorite géante s’écrasa sur Terre – un événement connu des géologues sous le nom de « météore de ChicXBoxulub » – et Raptor Djizeuss fut condamné à l’extinction.


Il S’est éteint pour nos péchés.


Néanmoins, comme tout messie qui se respecte, Raptor Djizeuss a un ennemi juré, TyrannoSatan, qui déchaînera à la fin des temps un événement apocalyptique connu sous le nom de Velocirapt, au cours duquel TyrannoSatan tentera d’enlever Raptor Djizeuss pour empêcher Son retour. À l’issue d’une lutte sans merci, Ce Dernier triomphera de TyrannoSatan et de son armée de peluches, apportera à l’humanité l’Illumination Carnivore, et Ses ennemis, végétaliens et autres sectateurs du Malin, souffriront d’éternels tourments, bien fait pour eux.


TyrannoSatan et son armée de peluches durant le Velocirapt (vision d’artiste).


Ces enseignements sont compilés dans les Sauriennes Écritures, dont un exemplaire miraculeusement préservé figure parmi les fameux manuscrits de la mer Morte primordiale. En voici quelques extraits parmi les plus célèbres :


« RAAAOOORRR » (Genèse, 1 : 1)

« Raptor Djizeuss s’est éteint pour nos péchés » (Crétacé, 3 : 29)

« Croyez en Raptor Djizeuss, ou il vous bouffera la tête » (Cératopsiens, 2 : 9)

« Raptor Djizeuss t’aime, surtout dans son estomac » (L’Apocryphe de Raptor-Marie-Madeleine)

« Raptor Djizeuss vous ownz tous » (L’Évangile selon Nazca)


Raptor-Marie-Madeleine.


Pour couper court à tout débat stérile qui pourrait être déclenché ici par les adorateurs des faux dieux de l’Internet, précisons que Raptor Djizeuss est peut-être cryptorchide, visible, petit et non aquatique, mais qu’Il a inventé la bombe atomique. Rien que pour ça, Il vous ownz tous.



Enfin, dans une de ces transitions dont j’ai le secret, nous allons parler un peu de la théorie de l’évolution. On entend souvent que l’homme descend du singe, mais en l’état actuel de nos connaissances, c’est inexact : en fait, l’homme et le singe ont un ancêtre commun. Eh bien, les scientifiques ont pu déterminer l’ancêtre commun à tous les oiseaux actuels, et c’est un dromaesauridé, autrement dit, un dinosaure de la même famille que Velociraptor et Deinonychus.


Tous les oiseaux. Même les canards. Je vous laisse réfléchir par vous-mêmes aux implications de cette découverte : Raptor Djizeuss est l’ancêtre des canards. Hasard ? Je ne pense pas !


Pour finir, voici une image de Dindon, parce qu’elle le vaut bien et qu’elle seule comprendra.