dimanche 25 octobre 2009

LSDO - chapitre 2, verset 1

Chapitre 2



Lyon, siège central de la Police Fédérale de Sécurité, lundi 4 avril. 9 h 11.

La douce lumière du matin réchauffait le bâtiment que la PFS occupait depuis 1988 sur les berges du Rhône. Idéalement situé dans un cadre agréable, à moins d’une heure d’autoroute de la capitale de la Fédération, Genève, le QG mondial de la police fédérale faisait forte impression sur les touristes. Le majestueux bâtiment était étalé, tout en longueur, sur une étroite bande de terre coincée entre le fleuve et le vaste parc de la Tête-d’Or. Il faisait bon respirer l’air printanier. Dans le parc, le gazouillis des petits passereaux suscitait l’admiration de leurs cousins éloignés, les oiseaux que les mystères de l’évolution avaient rendus plus grands, plus intelligents, plus habiles, en un mot civilisés, et qui en cette douce matinée d’avril se hâtaient vers leurs bureaux pour y mériter leur salaire.

Un quart d’heure après son arrivée dans les locaux de la PFS, Derek Wolf tâchait de s’occuper du mieux qu’il pouvait en attendant qu’on daigne lui confier une nouvelle affaire. Face à lui de l’autre côté de la pièce, Dan Grapper terminait de la paperasserie en retard tout en avalant un café de plus en plus infect à mesure qu’il refroidissait. Quelqu’un frappa à la porte et, sans attendre la réponse, l’agent Da Costa entra dans la pièce.

- Wolf ? Grapper ? Slaughterbean veut vous voir dans son bureau.
- Tout de suite ? demanda Wolf.
- Si possible, oui.
- Tu sais de quoi il veut nous parler ? interrogea Grapper.
- Les voies du directeur adjoint sont impénétrables… répondit le chacal qui retourna sans plus attendre au travail.

En se rendant dans le bureau de Slaughterbean, les deux agents traversèrent la vaste salle commune affectée au département du directeur adjoint. Elle grouillait d’une activité intense. Agents, secrétaires, chargés de maintenance, employés de tous rangs allaient et venaient sans cesse, répondaient au téléphone, rédigeaient rapports et mémoires. A l’écart de cette agitation, le vaste bureau du « patron », comme tout le monde l’appelait dans le service (et pas nécessairement par affection), ressemblait à une oasis de calme dans la tempête. On aurait volontiers pu y rajouter l’adjectif « salvatrice », mais être convoqué dans ce bureau n’était pas toujours une partie de plaisir. En l’occurrence, Wolf sentait que lui et son collègue allaient prendre une sacrée branlée pour leur comportement à Memphis. Il n’en fut rien. Slaughterbean était en train de finir le McMorning salé qu’une jeune cane mal réveillée lui avait servi trois quarts d’heure plus tôt au restaurant McDaffy’s de la Guillotière. Bonne chose, se dit Wolf, car le directeur adjoint était de bien meilleure humeur lorsqu’il avait le ventre plein. Les deux agents adressèrent à leur supérieur un bonjour dans lequel ils mirent autant d’entrain que possible en pareille circonstance, c’est-à-dire très peu. Sans leur répondre, Slaughterbean leur fit signe de s’asseoir en terminant son jus d’orange. Puis il jeta les emballages dans sa corbeille à papiers et engagea la conversation.

- Wolf, Grapper, nous avons un problème.
- Euh… (les deux agents se regardaient, interloqués).
- … Quel genre de problème, Monsieur ? demanda finalement Wolf.
- Le député Ronnie Thorynque a disparu.
- Disparu ? A-t-il été… enlevé ?

Dans les années 1960, à l’époque de la guerre de l’Annam, les enlèvements de députés étaient monnaie courante. Les crocodiles de l’Etat-Major Général, qui avaient le gouvernement à leur botte, y avaient parfois recours pour museler l’opposition pacifiste. Les rapts ne se terminaient pas toujours bien pour les victimes… Cette période sombre de l’histoire de la Fédération Mondiale du Règne Animal avait marqué ses contemporains. Trente-cinq ans après, c’était pour certains une blessure qui ne cicatrisait pas.

- Non… Enfin, on ignore ce qui lui est arrivé. Des témoins ont affirmé l’avoir vu dans un club branché du centre de Melbourne, dans la nuit du vendredi 1er au samedi 2 avril. Le lendemain, il devait participer à une réunion de la commission parlementaire océanienne sur le respect des libertés locales. On ne l’y a pas vu. Hier, des proches lui ont rendu visite chez lui, mais sa maison était vide.
- Mais ce député avait sûrement des ennemis, dit Grapper. Peut-être qu’il trempait dans des affaires louches, ou qu’il avait mis le museau là où il ne fallait pas.
- Nous n’avons pratiquement aucune information concluante à ce sujet. Thorynque n’a pas d’antécédents criminels connus.
- Ses ennemis politiques ?
- Connaissez-vous le mouvement du député Thorynque ?
- Oui, répondit un Wolf un peu hésitant. Ce n’est pas vraiment ce qu’on pourrait appeler un ténor de la tribune, mais son originalité est connue de la presse politique. Un peu comme le député Lamantin.
- Vous lisez la presse politique, Wolf ?
- Jamais pendant les heures de service, Monsieur.

La répartie de l’agent Wolf avait arraché à son supérieur un demi-sourire.

- Et que savez-vous de ses opinions ? reprit le directeur adjoint.
- Thorynque est un localiste. Tout le pouvoir aux municipalités, pour simplifier. Il n’a que peu d’influence en dehors de sa circonscription, celle d’Adélaïde, où il est très populaire. Son mouvement, celui des monotrèmes, est affilié au Parti des Mammifères.
- C’est exact. Lors des dernières élections, les monotrèmes ont présenté trois candidats, alors qu’il y a plus de 1.500 circonscriptions dans le monde. Seul Thorynque a été élu. Les autres, deux échidnés, ont été battus à plates coutures, à Melbourne et à Port Moresby. Autrement dit, Thorynque ne fait pas de tort à beaucoup de monde.
- Peut-être les marsupiaux régionalistes ? Leurs positions sont moins extrêmes, mais elles s’apparentent beaucoup aux siennes. Certains marsupiaux ont pu craindre sa concurrence.
- C’est possible, mais quoi qu’il en soit ce sera à vous de le confirmer ou non. Vous partez demain pour Melbourne. Le responsable de notre antenne locale vous donnera le nom des membres de la police locale à contacter.
- Pourquoi avoir fait appel à la police fédérale pour une simple disparition ? demanda Grapper.
- C’est un membre du Parlement Fédéral qui a disparu. Si peu important soit-il, l’Etat fédéral se doit de suivre cette affaire de près, ne serait-ce que pour éviter tout début de scandale. C’est pourquoi vous devrez mener cette enquête avec diligence et discrétion.
- Bien Monsieur, répondirent ensemble les deux agents.
- Votre avion part tôt demain matin pour l’Australie. Je vous donne votre journée.
- Merci, Monsieur.
- Bon voyage et bonne chance, messieurs. Et n’oubliez pas : diligence et discrétion.

Grapper et Wolf se levèrent et saluèrent leur supérieur. Décidément, ils voyageaient beaucoup ces derniers temps.

dimanche 18 octobre 2009

LSDO - chapitre 1, verset 4

PC de campagne de la PFS à Memphis, samedi 2 avril. 2 h 38.

- Grapper ! Wolf ! Bon sang, qu’est-ce qui vous a pris d’anticiper les ordres ! Tout ça aurait pu tourner au carnage !

Les deux agents n’étaient pas vraiment surpris par la soudaine colère de Slaughterbean. Pourtant, ils se jetèrent mutuellement un regard anxieux.

- J’attends ! fit Slaughterbean sur un ton encore plus sec.

Grapper, très embarrassé, se décida finalement à parler. Il ne se voyait pas vraiment avouer à son supérieur qu’il avait écouté Moldhair et ses ridicules histoires de message subliminal…

- C’est moi, Monsieur…
- Vous, Grapper ? Mais pourquoi diable avez-vous fait une connerie pareille ?
- C’est ma faute, Monsieur, dit subitement Wolf. Nous étions en place selon les ordres, mais je me suis « grillé », et Grapper a attaqué pour me couvrir…
- Je n’en crois rien ! Votre assaut était minutieusement préparé. Autrement, vous ne seriez pas là pour m’en répondre.
- Monsieur…

Fuchs Moldhair se tenait derrière le directeur adjoint, un épais dossier sous la patte.

- Un instant, Moldhair. Ce n’est pas à vous que je m’adresse.
- Monsieur, les agents Grapper et Wolf ont agi sur ma demande.
- Quoi !? Hmm, j’aurais dû m’en douter…

Slaughterbean regarda Moldhair un instant, puis se retourna pour dévisager Grapper et Wolf d’un œil courroucé. Puis il s’éloigna vers la pièce qui lui tenait lieu de bureau, se contentant de crier, après en avoir franchi le seuil :

- Agent Moldhair, dans mon bureau tout de suite !

Sans cesser de contempler la scène, Grapper se pencha vers Wolf :

- Moldhair est peut-être un cinglé, mais au moins il sait prendre ses responsabilités.

Aussitôt après, les deux agents regagnèrent leur motel, dormirent quelques heures et rassemblèrent leurs affaires.


***

Dans le fourgon qui les conduisait à leur lieu de détention, Cortex et Minus étaient assis, pensifs et silencieux. Un peu désorienté, Minus finit par demander, toujours aussi bêtement :

- Dis Cortex, qu’est-ce qu’on fera, la nuit, en taule ?
- La même chose que chaque nuit, Minus : tenter de conquérir le monde !

dimanche 11 octobre 2009

LSDO - chapitre 1, verset 3

Station de radio KM Country Music, Memphis, 23 h 18.

Moldhair, Squeully, Wolf et Grapper se faufilaient prudemment dans les couloirs sombres de la station. Trois quarts d’heure auparavant, Minus et Cortex s’y étaient introduits. Les agents de la PSF s’étaient aussitôt déployés dans et autour du bâtiment, attendant la diffusion des revendications des deux rongeurs pour donner l’assaut.

Arrivé à une intersection, Moldhair fit comprendre par gestes que lui et Squeully allaient prendre sur la droite alors que Wolf et Grapper iraient tout droit. Ces derniers obtempérèrent et, au bout de quelques secondes, arrivèrent près du studio où se trouvaient les deux suspects. Wolf, toujours accroupi, jeta un coup d’œil à l’intérieur de la pièce et évalua la situation. C’était le studio central : trois de ses quatre murs étaient partiellement vitrés. Wolf se trouvait près de la porte principale ; sur le côté droit, il y avait une petite porte de service par laquelle Moldhair entrerait. Cortex était assis à la console principale, au centre, où il préparait son forfait tout en braquant son pistolet-mitrailleur sur ses deux otages, le réalisateur et l’animateur, enfermés et ligotés dans la cabine du technicien, sur la droite. Quant à Minus, il avait posé son arme et bricolait une installation de fortune à partir du matériel pourtant moderne du studio, face à Wolf mais de l’autre côté de la pièce. Moldhair avait raison, les deux souris mijotaient quelque chose de peu ordinaire. Fuchs devait, pour couper le courant, provoquer un court-circuit en reconnectant à l’envers deux prises du panneau de commandes situé juste à gauche de la petite porte de service. A l’intérieur de la pièce, Minus achevait ses préparatifs.

- Dis Cortex, qu’est-ce qu’on fait maintenant ? dit-il d’une voix aiguë et idiote.
- As-tu terminé d’installer le transpondeur à énergie ionique ? répondit l’autre sur un ton monocorde.
- Oui.
- Alors nous allons pouvoir diffuser mon message subliminal, et bientôt nous pourrons tenter de conquérir le monde.
- Oh, chic alors !

Cortex sortit une cassette de sa poche, rectifia quelques branchements sur la console et l’introduisit dans le lecteur. C’est à ce moment là que la petite porte de service s’ouvrit. Afin de créer une diversion, Squeully tira un coup de feu dans une des vitres du studio, qui vola en éclats dans un fracas épouvantable. Minus lâcha une rafale de mitraillette qui n’atteignit personne. Il n’eut pas le temps d’ajuster son tir : vif comme l’éclair, Moldhair avait déjà effectué le branchement voulu et se remit à couvert. Grillées par le court-circuit, les lampes vacillèrent, puis s’éteignirent. Le studio sombra dans une obscurité à peine tempérée par les lueurs rouges des lampes de secours. Sans laisser aux deux criminels le temps de se ressaisir, Wolf et Grapper pénétrèrent en trombe dans le studio en criant « PFS ! Les mains en l’air ! ». Joignant le geste à la parole, Grapper se jeta sur Cortex qui se laissa désarmer sans opposer de résistance, pendant que Wolf traversait le studio à toute vitesse. Minus pointait déjà son arme sur la cabine où se trouvaient les otages ; Wolf le coinça contre le mur, lui arracha son arme et le plaqua au sol. Moldhair et Squeully entrèrent à leur tour : pendant que la seconde libérait le réalisateur et son collègue animateur, le premier n’avait plus qu’à constater que tout était fini. Il s’empara du talkie-walkie accroché à sa ceinture et annonça leur victoire au directeur adjoint.

« Equipe Sierra Mike à PC. Les agresseurs sont maîtrisés. Je répète : les agresseurs sont maîtrisés »

L’assaut n’avait duré que quelques secondes. Slaughterbean avait sursauté en entendant le coup de feu tiré par Squeully. À peine s’était-il demandé ce qui se passait que la station de radio s’était retrouvée dans le noir. Et maintenant, Moldhair lui annonçait qu’il maîtrisait la situation. C’était un peu trop. Slaughterbean regarda quelques instants son talkie-walkie avec incrédulité, étouffa un juron puis se dirigea à grandes enjambées vers le studio central.

mardi 6 octobre 2009

Histoire pour tous

Nous interrompons momentanément la diffusion du Seigneur des Oiseaux pour une petite nouvelle...



J'entourage tous ceux que l'histoire intéresse à passer régulièrement sur ce tout nouveau site : http://www.histoire-pour-tous.fr/ .

Créé par une équipe de passionnés, Histoire pour tous a pour objet de proposer une large gamme d'articles consacrés aux nombreux domaines de cette discipline : histoire proprement dite mais également littérature, télévision, sites à visiter... Le tout avec une approche sérieuse mais accessible, une vulgarisation qui se veut à la portée de chacun sans pour autant tomber dans les raccourcis et la facilité.

Pour l'anecdote, j'aurai l'honneur d'y contribuer de façon sporadique.

Le site dispose également d'un forum qui vient d'être lancé : http://www.histoire-pour-tous.fr/forum.html

Bonne lecture à tous !