Chapitre 6
Aéroport de Haneda, Tokyo, lundi 11 avril. 16 h 59.
Comme beaucoup d’aéroports, celui de Haneda n’était à l’origine qu’une simple prairie (dans le cas présent, une rizière asséchée et comblée) qui faisait office de piste, assortie d’un petit hangar pour abriter les premiers aéroplanes. Il avait été aménagé en 1918, juste avant le déclenchement de la longue et sanglante guerre des Prédateurs. Pendant la durée du conflit, il servit de base militaire et prit une importance croissante, mais ce n’est qu’après la fin de la guerre, en 1945, qu’il devint véritablement l’aéroport international de Tokyo. Le trafic aérien se développant de façon vertigineuse, ses capacités d’accueil furent rapidement dépassées et il fut détrôné en 1984 par la très vaste et très moderne aérogare de Narita, mieux à même de desservir la capitale nippone. Haneda restait néanmoins un aéroport secondaire, accueillant une partie des vols court et moyen-courrier reliant la métropole japonaise à l’Asie et à l’Amérique du Nord.
En dépit d’importants travaux de rafraîchissement entrepris au début des années 1990, le bâtiment principal de l’aérogare sentait le vieux. Dans le vain espoir d’accroître ses capacités d’accueil, on avait adjoint à son plan déjà tortueux une multitude d’ailes, de pavillons et de terminaux supplémentaires, reliés entre eux par des passerelles et des couloirs, sans forcément en respecter l’architecture originelle. Ce qui, en pratique, avait eu pour effet de transformer Haneda en un capharnaüm aussi hideux que complexe. Lorsque le directeur de l’aéroport en avait déplié le plan complet devant le détachement T nouvellement créé, Derek Wolf n’avait pu s’empêcher d’écarquiller les yeux en se demandant comment ils allaient bien pouvoir boucler un tel périmètre.
Par bonheur, le police municipale de Tokyo ainsi que le service des douanes avaient fourni tous les effectifs nécessaires pour concocter à Ronnie Thorynque un piège infaillible. Près de l’entrée principale, sous le couvert de l’exercice de longue durée décrété officiellement, un barrage de policiers en uniforme filtrerait les voyageurs et signaleraient tout individu au comportement suspect. Ils devaient cependant laisser entrer Thorynque et avertir les agents fédéraux de sa présence. A l’intérieur de l’aérogare, des agents en civil devaient alors garder un œil sur le député et le « canaliser » discrètement vers le terminal 6B, où il devait théoriquement embarquer pour Toronto. Là se trouvaient postés les quatre agents du détachement T, qui devaient alors lui couper toute retraite et l’appréhender. Wolf était d’autant plus satisfait de son plan que Gerard comme Masinga n’avaient rien trouvé à redire à son sujet.
Un peu plus d’une heure et demie avant le décollage prévu du vol JAL 007 reliant Tokyo à Toronto, tous les éléments du piège étaient en place. Toujours à la pointe de la technologie, la police locale avait fourni à chacun des oreillettes dernier cri permettant aux agents de communiquer entre eux en toute discrétion. Dans la mesure où Wolf avait conçu ce plan, Grapper, Masinga et Gerard s’étaient entendus à l’amiable (du moins en apparence) pour lui laisser la direction des opérations. Adossé à un pilier tout proche du portail d’embarquement, le loup avait une vue d’ensemble sur la salle principale du terminal 6B. Face à lui, les bancs où quelques personnes patientaient, la mine affligée d’ennui, et un petit couloir de service sombre. Derrière son poteau, le tapis roulant où les passagers venaient déposer leurs bagages encombrants. A sa gauche, les portails d’embarquement avec le scanner et le détecteur de métaux, avec en toile de fond une grande baie vitrée découvrant le tarmac – où l’on s’affairait autour du Boeing 767 rouge et blanc de la Japan Air Lines – et une passerelle, vitrée elle aussi, permettant aux passagers de rejoindre leur appareil à l’abri. Ce n’était pas un luxe, car le ciel était gris et bas et la pluie menaçait. Enfin, Derek fixait intensément sur sa droite l’escalier, surmonté d’une porte coulissante en verre, qui permettait d’accéder au terminal. C’est par-là qu’arriverait Thorynque. Dan Grapper, assis sur un banc au pied de l’escalier, passait le temps en lisant un journal sportif (il avait réussi à trouver une édition en français, ne comprenant évidemment pas un traître mot de l’écriture usuelle nippone). Emma Masinga se trouvait en haut de l’escalier, dans le hall d’accès : elle devait couper la retraite du député ; son équipier était posté plus loin et censé intervenir au cas où Thorynque rebrousserait prématurément chemin. Il était le plus éloigné du lieu supposé de l’arrestation, ce que, à la grande surprise de Derek, il avait accepté sans ciller. Toyoda chargé d’assurer la liaison avec la police locale et la direction de l’aéroport, tout le monde était en place. L’ensemble du terminal 6B était peint d’un blanc cassé du plus mauvais goût, dont le caractère morne était encore accentué par un éclairage médiocre et la pâle lueur venue de l’extérieur.
Aéroport de Haneda, Tokyo, lundi 11 avril. 16 h 59.
Comme beaucoup d’aéroports, celui de Haneda n’était à l’origine qu’une simple prairie (dans le cas présent, une rizière asséchée et comblée) qui faisait office de piste, assortie d’un petit hangar pour abriter les premiers aéroplanes. Il avait été aménagé en 1918, juste avant le déclenchement de la longue et sanglante guerre des Prédateurs. Pendant la durée du conflit, il servit de base militaire et prit une importance croissante, mais ce n’est qu’après la fin de la guerre, en 1945, qu’il devint véritablement l’aéroport international de Tokyo. Le trafic aérien se développant de façon vertigineuse, ses capacités d’accueil furent rapidement dépassées et il fut détrôné en 1984 par la très vaste et très moderne aérogare de Narita, mieux à même de desservir la capitale nippone. Haneda restait néanmoins un aéroport secondaire, accueillant une partie des vols court et moyen-courrier reliant la métropole japonaise à l’Asie et à l’Amérique du Nord.
En dépit d’importants travaux de rafraîchissement entrepris au début des années 1990, le bâtiment principal de l’aérogare sentait le vieux. Dans le vain espoir d’accroître ses capacités d’accueil, on avait adjoint à son plan déjà tortueux une multitude d’ailes, de pavillons et de terminaux supplémentaires, reliés entre eux par des passerelles et des couloirs, sans forcément en respecter l’architecture originelle. Ce qui, en pratique, avait eu pour effet de transformer Haneda en un capharnaüm aussi hideux que complexe. Lorsque le directeur de l’aéroport en avait déplié le plan complet devant le détachement T nouvellement créé, Derek Wolf n’avait pu s’empêcher d’écarquiller les yeux en se demandant comment ils allaient bien pouvoir boucler un tel périmètre.
Par bonheur, le police municipale de Tokyo ainsi que le service des douanes avaient fourni tous les effectifs nécessaires pour concocter à Ronnie Thorynque un piège infaillible. Près de l’entrée principale, sous le couvert de l’exercice de longue durée décrété officiellement, un barrage de policiers en uniforme filtrerait les voyageurs et signaleraient tout individu au comportement suspect. Ils devaient cependant laisser entrer Thorynque et avertir les agents fédéraux de sa présence. A l’intérieur de l’aérogare, des agents en civil devaient alors garder un œil sur le député et le « canaliser » discrètement vers le terminal 6B, où il devait théoriquement embarquer pour Toronto. Là se trouvaient postés les quatre agents du détachement T, qui devaient alors lui couper toute retraite et l’appréhender. Wolf était d’autant plus satisfait de son plan que Gerard comme Masinga n’avaient rien trouvé à redire à son sujet.
Un peu plus d’une heure et demie avant le décollage prévu du vol JAL 007 reliant Tokyo à Toronto, tous les éléments du piège étaient en place. Toujours à la pointe de la technologie, la police locale avait fourni à chacun des oreillettes dernier cri permettant aux agents de communiquer entre eux en toute discrétion. Dans la mesure où Wolf avait conçu ce plan, Grapper, Masinga et Gerard s’étaient entendus à l’amiable (du moins en apparence) pour lui laisser la direction des opérations. Adossé à un pilier tout proche du portail d’embarquement, le loup avait une vue d’ensemble sur la salle principale du terminal 6B. Face à lui, les bancs où quelques personnes patientaient, la mine affligée d’ennui, et un petit couloir de service sombre. Derrière son poteau, le tapis roulant où les passagers venaient déposer leurs bagages encombrants. A sa gauche, les portails d’embarquement avec le scanner et le détecteur de métaux, avec en toile de fond une grande baie vitrée découvrant le tarmac – où l’on s’affairait autour du Boeing 767 rouge et blanc de la Japan Air Lines – et une passerelle, vitrée elle aussi, permettant aux passagers de rejoindre leur appareil à l’abri. Ce n’était pas un luxe, car le ciel était gris et bas et la pluie menaçait. Enfin, Derek fixait intensément sur sa droite l’escalier, surmonté d’une porte coulissante en verre, qui permettait d’accéder au terminal. C’est par-là qu’arriverait Thorynque. Dan Grapper, assis sur un banc au pied de l’escalier, passait le temps en lisant un journal sportif (il avait réussi à trouver une édition en français, ne comprenant évidemment pas un traître mot de l’écriture usuelle nippone). Emma Masinga se trouvait en haut de l’escalier, dans le hall d’accès : elle devait couper la retraite du député ; son équipier était posté plus loin et censé intervenir au cas où Thorynque rebrousserait prématurément chemin. Il était le plus éloigné du lieu supposé de l’arrestation, ce que, à la grande surprise de Derek, il avait accepté sans ciller. Toyoda chargé d’assurer la liaison avec la police locale et la direction de l’aéroport, tout le monde était en place. L’ensemble du terminal 6B était peint d’un blanc cassé du plus mauvais goût, dont le caractère morne était encore accentué par un éclairage médiocre et la pâle lueur venue de l’extérieur.
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