dimanche 28 mars 2010

LSDO - chapitre 6, verset 2

Après plus d’une heure d’attente, Derek commençait à tapoter du pied. Bien qu’il y passait une part non négligeable de son existence, il n’aimait guère les aéroports. Ils évoquaient pour lui un ennui insondable, même s’il aimait regarder le ballet des avions lorsque l’occasion s’en présentait. Et dans le cas présent, il se demandait si Thorynque ne les avait pas menés en… bateau. Son avion décollait tout au plus dans cinq minutes et il ne s’était toujours pas manifesté. Dans l’oreillette, la voix de Hideki Toyoda le tira enfin de ses réflexions.

- Agent Wolf ? Le barrage à l’entrée vient de laisser passer le suspect. Il correspond au signalement et porte un passeport à son nom.

Sidérant. De toute évidence, Ronnie Thorynque avait une telle confiance en ses capacités qu’il ne prenait même pas la peine de dissimuler son identité. Le rythme cardiaque de Wolf s’accéléra. Toyoda, qui avait désormais le député dans son champ de vision, l’informait dans le détail de ses moindres mouvements. Thorynque se dirigea directement vers le terminal 6B et ne tarda pas à en approcher la porte d’accès. La voix de Terence Gerard se fit entendre dans les oreillettes.

- Le suspect vient de passer. Il se dirige bien vers le terminal. Il arrive à ta hauteur, Emma.
- … il vient de passer, annonça la jeune panthère. Je lui emboîte le pas.

L’agent Wolf leva les yeux vers la porte coulissante qui permettait d’accéder au terminal 6B. Ronnie Thorynque venait de la franchir. Le député était en tous points semblable à ce qu’il avait pu voir sur les photos à Melbourne. Il portait un long imperméable beige et tenait dans sa patte droite une mallette de dimensions plutôt volumineuse, certainement destinée à cacher les trésors dérobés au musée de Tokyo. Le parlementaire dévala les marches de l’escalier à vive allure. Ce n’est que lorsqu’il posa le pied sur la dernière d’entre elles que Derek dégaina son pistolet et le pointa vers lui.

- Agent fédéral, restez où vous êtes !

En haut de l’escalier, Emma Masinga sortit son arme elle aussi. Dans la même fraction de seconde, alors que Grapper s’approchait – quelque peu imprudemment il est vrai – de Thorynque pour lui passer les menottes, le député le poussa sèchement et, avec une vivacité peu commune, courut se réfugier dans le couloir de service situé à gauche de l’escalier. Bien aidée par ses réflexes de félin, Masinga fut la première à tenter de l’y poursuivre, mais ce fut pour éviter de justesse deux balles de revolver. Elles allèrent miraculeusement se ficher dans un pilier, sans blesser personne. Dans la salle d’attente du terminal 6B, la panique succédait à l’incrédulité, et les passagers apeurés tâchaient tant bien que mal de se mettre à l’abri, sans pouvoir étouffer quelques cris de terreur. Tout en relevant Grapper, plus vexé que secoué par sa chute, Wolf appela des renforts. Appel à l’attention de Toyoda, qui se hâtait sur les lieux de la fusillade avec une escouade des meilleurs flics de Tokyo, mais aussi de Gerard qui était restait jusque là muet et invisible.

Mais le guépard de l’ASF avait sa propre idée de la façon dont il allait régler cette histoire. Lui qui se flattait de ne jamais rien faire par hasard avait, en dépit de la proximité immédiate de ses trois collègues, envisagé la possibilité que Thorynque tente de s’échapper par le petit couloir de service. C’est la raison pour laquelle il avait minutieusement étudié le plan de cette partie du terminal au moment du briefing. Le corridor en question n’avait que deux issues possibles : la première, sur la gauche, donnait accès aux pistes d’atterrissage ; la seconde, après avoir desservi plusieurs pièces où les employés de l’aéroport avaient pris l’habitude de ranger leur matériel, faisait un demi-tour sur la droite et, remontant d’un niveau, rejoignait le hall principal, tout près de l’endroit où lui, Terence Gerard, se trouvait. La difficulté était donc, en passant par l’autre issue du couloir, d’empêcher le suspect d’atteindre le tarmac, en le prenant à revers pour atteindre l’accès avant lui. Cela aurait été un problème pour n’importe qui. Mais pas pour Terence. Dès que son équipière annonça dans l’oreillette que Thorynque s’était réfugié dans le couloir, le guépard ôta ses lunettes noires et se mit à courir.

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